Comprendre le Shiatsu Yin
par Alain Gesbert
Le
shiatsu ?
Le
Shiatsu s’inscrit dans la tradition orientale de la prévention et du bon
entretien de
On distingue, de façon globale, le Shiatsu familial, souvent avec des pressions fortes, de nature yang et le Shiatsu ayant une action curative (1), comme le Shiatsu de type Yin.
Après un bref historique des différents styles de Shiatsu, l’auteur présente ce qu’est le véritable Shiatsu qui n’est ni un massage ni un système d’acupression. Il explicite ce que les japonais nomme le Ho et le Sha qui est une des spécificités du véritable Shiatsu. L’auteur présente en détail le bilan personnalisé qu’il pratique depuis plusieurs années.
Bref
historique du Shiatsu
Il
est assez surprenant de constater qu’aucun élément historique fiable ne
permet de connaître l’histoire du Shiatsu de façon très précise avant le
vingtième siècle.
L'introduction
au Japon, de la culture chinoise et bouddhiste est, à notre avis, fondamentale
dans le développement de la médecine traditionnelle, surtout à partir du
cinquième siècle avec la construction des premiers temples bouddhistes et,
surtout, avec l'adoption de la médecine chinoise comme médecine officielle
dès le siècle suivant.
Pour
le docteur Yang Jwing-Ming, le Dian Xue An Mo ou plus simplement Dian Xue (littéralement
points d’acupuncture) serait l’ancêtre du Shiatsu. Dian Xue est souvent
traduit en occident par acupressure (ce
qui ne correspond pas, comme nous le verrons, à la définition du Shiatsu).
Comme
le Tuina (très répandu aujourd’hui), le Dian Xue (qui est considéré
comme étant plus précis en agissant directement sur les Tsubos) est considéré
comme un massage. Il est important de noter que le Wai Qi Liao Fa (souvent
traduit par « massage Chi Kong » ) utilise l’énergie du
praticien et s’appuie sur les techniques du Dian Xue.
Pour le docteur Yang Jwing-Ming, c’est pendant la période Tang Tian Bao (742-756 après J.-C.) que les techniques de Dian Xue sont « exportées » au Japon avec l’aide des moines bouddhistes.
Shizuto
Masunaga indique qu’il y a environ 1000 ans l’An Mo Traditionnel
(les idéogrammes signifient « main » et « calme ») qui comportait une méthode
de diagnostic et de traitement a été étudié par les médecins japonais. Cela
a donné naissance, par la suite, à une profession réservée aux aveugles
pendant environ 300 ans. L' An Mo Traditionnel disparut presque complètement
pendant la période d’Edo (1603-1868) lorsque le gouvernement décida d’en réserver
la pratique aux aveugles. Cet « An Mo japonais » est alors
devenu un massage (plus connu sous le terme Anma). En effet comme l’évoque
Masunaga : « comme les aveugles étaient désavantagés pour recevoir
une instruction formelle pour le diagnostic et le traitement, l’anma est
devenu, graduellement, synonyme de plaisir et soulagement ».
Le
gouvernement suivant (période Meiji, 1869-1912) s’ouvrit largement aux pays
occidentaux et à la médecine occidentale au détriment de la médecine
traditionnelle japonaise. Il se développa, cependant et « sous
le manteau » officiel, une tradition familiale qui préserva cette
pratique. C’est grâce à sa mère que Toru Namikoshi eu connaissance de cette
approche.
On doit à Toru Namikoshi, à son fils aîné Tony et à Shizuto Masunaga le renouveau du Shiatsu tels que nous le connaissons aujourd’hui (même s’il existe d’autres styles).
Masunaga précise : « Le
nom de Shiatsu a été employé pour le distinguer de l’anma et comme étant
une forme de traitement plutôt que quelque chose donné uniquement pour le
plaisir ». [1]
Tsuguo
Kagotani [2] explicite des influences
extérieures dans la pratique du Shiatsu en écrivant :
« au début de l'ère Taishô
(1912-1926), les trois thérapies manuelles américaines (chiropraxie,
ostéopathie et spondylothérapie ) furent introduites au Japon. Elles furent
favorablement accueillies par les praticiens autodidactes car celles-ci les
aidèrent beaucoup
à justifier leurs méthodes (non-scientifiques aux yeux des gens rationnels) au
niveau de la médecine moderne ».
Ces influences vont participer à un développement assez anarchique de
différentes méthodes de guérison.
En 1930, un recensement administratif a permis de dénombrer, au Japon, environ 300 méthodes différentes et plusieurs dizaines de milliers de praticiens.
Le
terme Shiatsu est apparu dans les années 1920 et faisait partie
de ces
approches.
Après
la deuxième guerre mondiale et la défaite japonaise, les Américains viennent
avec leurs techniques modernes et la médecine occidentale : c’est très
probablement la raison qui fait que Toru Namikoshi ne parle pas des méridiens
d’acupuncture dans ses ouvrages [3].
Le
ministère japonais de la Santé reconnaît officiellement le Shiatsu en 1955.
Probablement influencé par l’école de Namikoshi, la définition que donne le
gouvernement japonais est la suivante :
« Le
Shiatsu est un traitement qui utilise les pouces et les paumes de mains pour
faire pression en certains points du corps humain afin de corriger ses irrégularités
et de conserver ou d’améliorer sa santé. »
En
1964, le Shiatsu est reconnu comme étant distinct et indépendant de l’Anma
et des autres formes de massage.
Le
Japon reconnaît et distingue aujourd’hui trois approches différentes et
distinctes : l’Anma qui est plus considéré pour le plaisir que pour la santé,
le massage occidental et le Shiatsu.
C’est
dans les années 70 que le Shiatsu fait son apparition en France avec des maîtres
japonais en Shiatsu comme Kawada, Kagotani, Tokuda, Izumo, Waturu Ohashi et
Shizuto Masunaga.
Il
y a actuellement 2 grands courants en Shiatsu :
-
Le Shiatsu de l’école Namikoshi assez répandu au Japon,
-
Le Shiatsu de Masunaga, plus connu en Europe et aux USA qu'au Japon,
auxquels
s’ajoutent des approches originales et complémentaires :
-
L’approche myo-énergétique développé par l’acupuncteur Taichi Sorimachi
au Japon et dont le Shiatsu myo-énergétique est enseigné en France par
Hiroshi Iwaoka [4].
-
Le Shiatsu « Yin » du docteur Takeushi Nobuyuki.
Chacun
de ces quatre Shiatsu comporte des points communs et des complémentarités.
Le
shiatsu de Namikoshi
Tokujiro
Namikoshi est à l’origine du renouveau du Shiatsu au début du vingtième siècle.
Son fils Toru ayant appris la chiropractie aux Etats-Unis, il a introduit des
techniques manuelles d’ostéopathie, ainsi que des notions théoriques et des
explications occidentales.
Ce type de shiatsu s’apprend plus facilement que d’autres styles car il n’y a pas obligation de connaître la médecine chinoise traditionnelle (ou ses applications) et le toucher est simple.
La pression (de type yang) se fait, en général,
un pouce sur l’autre ce qui en réduit, à notre avis, les aspects curatifs.
Par
contre, comme l’évoque Masunaga, le traitement du ventre (Anpuku (2))
reprend la tradition de l’An Mo Traditionnel.
Le
shiatsu de Masunaga
Il
est plus difficile et plus long d'apprendre la théorie de Masunaga, très imprégnée
de médecine chinoise ainsi qu’un toucher spécifique qui se pratique à deux
mains.
Les trajets des méridiens incluent (sans les distinguer) les trajets des méridiens extraordinaires.
Officiellement le Shiatsu (tel que reconnu par le gouvernement japonais) traite
les 12 méridiens classiques associés aux deux méridiens extraordinaires :
vaisseau conception et vaisseau gouverneur. C’est probablement pourquoi
Shizuto Masunaga relie les six autres méridiens extraordinaires aux douze
classiques « sans les nommer ». Il ajoute également des méridiens
au niveau des bras (par exemple, Rate/ Pancréas et Foie dans leurs « dimensions »
psychiques).
Shizuto Masunaga, psychologue de formation(spécialisé dans la peau), après avoir étudié
à l'école de Namikoshi, a, entre autre, apporté, de façon pratique, un bilan
énergétique en s’appuyant sur des documents anciens de la Médecine
Traditionnelle Japonaise et un traitement qui repose, sans rentrer dans les
détails techniques, sur le
choix du méridien le plus Kyo (3)
et celui le plus jitsu (4).
Le
Shiatsu myo-énergétique
Ce
Shiatsu agit sur les tensions musculaires et les méridiens tendino-musculaire.
Un toucher rotatif permet d’identifier rapidement les lignes de tensions qui
ne sont pas toutes en relation avec les méridiens. Cette palpation est utilisée
par les acupuncteurs japonais (approche enseignée par le docteur Taichi
Sorimachi) afin d’identifier les zones à traiter avant de planter les
aiguilles. Le déséquilibre postural est également pris en compte en utilisant
le Seitaï (5).
Le
Shiatsu « Yin » du docteur
Takeushi Nobuyuki
Dans
ce type de Shiatsu, « Yin » veut dire profondeur, c'est-à-dire que
c’est, en fait, un Shiatsu Yang avec des pressions pouvant être assez fortes.
Lorsque
l’être humain se déplace il coordonne ses mouvements en diagonale (bras
gauche et jambe droite par exemple). Le docteur Takeushi Nobuyuki a développé
un Shiatsu reposant sur une relation de similitude entre différentes parties du
corps : relations, à titre d’exemple, entre les méridiens, les parties
inférieure, supérieure, antérieure et postérieure.
Note importante : dans le reste de cet article le Shiatsu Yin, évoque un Shiatsu avec un toucher doux et non intrusif (c'est à dire le Shiatsu que nous pratiquons en cabinet).
Le véritable Shiatsu (ni un massage,
ni un système d’acu-pression)
Il faut bien comprendre que le terme Shiatsu a été créé pour le distinguer du massage bien-être ou du massage (classique, Tuina, etc.). La pression juste n’est pas transmise par la force musculaire mais par un positionnement correct (à la fois postural et intérieur) du praticien qui donnera le Shiatsu à partir de son hara.
D’après Masunaga :
« dans les différentes méthodes de Shiatsu, certains éléments proviennent de techniques manuelle de l’occident – Chiropraxie, Ostéopathie, etc., ou de méthodes empiriques telles que le seïtaï, le Jûdô Kappô (6), etc.
Le résultat c’est que certains considèrent la pression forte comme étant l’essence même du traitement de Shiatsu. Pourtant du point de vue historique lui-même, le Shiatsu a toujours fait de l’An (7) le centre, en quelque sorte de sa technique. » [5]
Le véritable Shiatsu va, en fait, bien plus loin qu’exercer une pression juste :
c’est, en très bref, la capacité que développe un praticien à pouvoir déplacer l’énergie d’une zone ou d’un méridien jitsu vers un méridien ou une zone plus kyo.
De
notre point de vue, le praticien doit s’adapter en fonction de la problématique
du receveur, en respectant son corps avec un toucher Yin et en utilisant (après
avaoir réalisé un bilan énergétique) une ou plusieurs approches des quatre
écoles de Shiatsu (Shizuto Masunaga,Tokujiro Namikoshi,Taichi Sorimachi, Takeushi Nobuyuki).
« Pression » et toucher
Shiatsu
Toru Namikoshi indique :
« l‘âme
du Shiatsu est semblable à l’affection maternelle ; la pression des
mains fait jaillir la vie ».
Les
praticiens et les élèves de Shiatsu traditionnel savent que cette
« pression » ne doit pas
se comprendre au niveau musculaire et ne résulte pas, purement, de la force. Le
Shiatsu n’est d’ailleurs ni un massage, ni un système d’acu-pressure
(c’est à dire « l’appui
physique ou musculaire » sur des points situés sur un méridien).
Avant
de donner un Shiatsu, le praticien se met dans son hara. Puis, il fait un bilan
énergétique du hara du receveur afin de percevoir quels sont les méridiens en
déséquilibre ou qui peuvent, suivant le cas, participer aux malaises ressentis
par le receveur du Shiatsu. Le Shiatsu est donné à partir du hara du praticien
qui a développé un ressenti au niveau du toucher qui lui permet de sentir la
circulation de l’énergie dans les méridiens. Les éventuelles « pressions »
qu’il fait ne sont donc pas musculaires, la force musculaire n’est pas
utilisée en Shiatsu traditionnel ; le praticien positionne son corps en
fonction de son centre de gravité et de son hara.
Une
bonne « pression » en
Shiatsu permet d’atteindre le niveau nécessaire pour sentir l’énergie (le
Chi), le degré de la « pression » étant variable selon les méridiens,
les différentes parties du corps et variable également d’une personne à une
autre.
« un maître (en
Shiatsu) donne l’énergie « Ki » à partir du Hara, dans un état
de complète relaxation ».
Il
existe, comme nous l'avons vu, plusieurs styles de Shiatsu, mais les différentes écoles ont en commun
(et à minima) ce qu’ils entendent par « pression ».
En
effet, une « pression » de type Shiatsu est définie par :
- une pression stable et
concentrée sur un endroit
- la progressivité quand
le pouce s’enfonce et s’enlève qui sera graduelle et variable suivant la
partie du corps concernée, les méridiens et la nature du traitement à donner
(tonification ou dispersion),
- la verticalité par rapport à
la surface de la partie du corps traité.
Pour Shizuto Masunaga, il faut noter que :
« dans
le Shiatsu à 2 mains, quand vous concentrez toute votre énergie dans votre
hara, le patient se sent faire un avec vous. Le Shiatsu avec les pouces l’un
sur l’autre ne peut pas permettre d’atteindre cette sensation d’unité
parce qu’il y a trop de tension dans les extrémités des doigts pour pouvoir
utiliser les Tsubos ». [7]
Par rapport au Japon, le Shiatsu a tendance à être plus doux en occident.
En effet, que ce soit en acupuncture et en Shiatsu, le receveur (Chinois ou Japonais) a tendance à accepter plus facilement la souffrance pendant la séance que son homologue occidental. Il y a, en fait, un degré Celsius de différence entre un oriental et un européen et c’est, probablement, ce qui explique que les orientaux aiment ou préfèrent les pressions fortes.
Pour
Ryonkyu Endo [6], il y a, actuellement, de
plus en plus de malades de type Yin ce qui implique d’adapter un style avec un
toucher plus doux.
Ryonkyu Endo indique :
« Shizuto
Masunaga a précisé que le Shiatsu ne devait pas être administré par une
pression physique (c’est à dire celle du poids du thérapeute), comme ce fut
le cas pendant la période taoïste, mais par une pression prolongée ».
En
effet, pendant la période Taisho (1912-1926), on se servait de la pression des
doigts pour alléger la raideur en s’aidant de la force des muscles.
Ryonkyu
Endo ajoute : « la thérapie
Shiatsu, développée à partir de la précédente technique Yang utilisant la
force physique, est ainsi passée à la technique Yin de canalisation du Ki du
patient, excluant l’emploi de cette force ».
La
technique de base consiste à déplacer la peau doucement avant de poser
complètement les pouces
et de faire ensuite la « pression ».
Ryonkyu Endo précise :
« il est possible de
canaliser le Ki en utilisant une technique qui remonte la peau, car lorsque
celle-ci est déplacée, tout le corps bouge. « L’ensemble du corps »
comprend aussi l’esprit. Le Ki est canalisé non pas en touchant une partie du
corps mais en faisant « bouger en même temps » tout le corps.
Autrement dit, le Ki est canalisé par la détente de toute la surface du corps
du patient, obtenue par le toucher ».
En
donnant un Shiatsu dans la douceur (de type Yin), tout en étant dans son hara,
et en y associant ce toucher (avec le déplacement de la peau) cela permet
d’agir à la fois dans le tissus conjonctif et le méridien concerné.
Shizuto
Masunaga insiste sur la prise de conscience des deux pouces séparés ne faisant
qu’un (sur un même méridien ou sur deux méridiens différents) :
« vos deux pouces peuvent sentir
comme un. « Un » ne signifie pas comme s’ils étaient l’un sur
l’autre. Entre vos pouces, vous pouvez sentir comme un écho ou une étincelle
et alors, ils perçoivent comme Un à travers le patient, comme un cercle. Vous
pouvez créer la compassion ou l’unité avec le patient, comme un cercle. »
De notre point de vue, Il nous parait, aujourd’hui, important de distinguer le Shiatsu Yin du Shiatsu Yang, non pas pour porter un jugement quelconque en disant que l’un est meilleur qu’un autre. Un expert, un praticien expérimenté saura exercé la pression juste et l’adapter au receveur même s’il pratique un Shiatsu de style Yang.
Le terme « pression » n’a pas toujours été bien compris et, depuis plusieurs années se développe des systèmes d’acupression qu’il ne faut pas confondre avec un Shiatsu pratiqué par un praticien expérimenté qui utilise son hara…
Avec un toucher doux, le système parasympathique va s’activer pendant une séance de Shiatsu Yin. Il est, de plus, conseillé à toute personne dont le corps en souffrance ne permet pas, à des degrés variés, d’agir à l’aide des étirements ou des techniques dynamiques du Shiatsu Yang.
En Shiatsu Yin, le praticien a développé un toucher qui lui permet de ressentir la circulation bioélectronique dans un méridien. Entre les pouces, on ressent, au début, comme un écho lointain, puis avec de la pratique, les pouces « s’activent » et on sent l’énergie qui circule ou non dans un méridien.
Ressentir est une chose, utiliser ce toucher pour réaliser un traitement demande d’être capable d’être capable de pratiquer le Ho et le Sha.
Les méridiens / Le Ho et le Sha
Les méridiens sont, selon la conception orientale de protection de la Vie, un système fondamental pour l’organisme.
Il faut cependant comprendre que leur mode de traitement doit se faire de façon spécifique et non pas seulement en utilisant des protocoles appris (en suivant toujours le même canevas).
Cela veut dire, par exemple, que l’action sur un point d’acupuncture ne donnera pas un résultat automatique.
Si le point a trop d’énergie ou pas assez, il y aura un résultat.
Si par contre, le point se présente comme « neutre », l’action sur ce point donnera peu de résultat.
Le Shiatsu utilise les techniques manuelles dites du Ho et du Sha afin de régulariser les dysfonctionnements de l’organisme.Si on ne comprend pas ce que la médecine traditionnelle japonnaise entend par Ho et Sha, il sera alors difficile de faire un véritable Shiatsu.
Quand les fonctions de l’organisme sont en diminution, qu’il y a beaucoup de Kyo dans les méridiens (ou dans des zones du corps), le Ho est ce qui va permettre de compenser les carences vitales propres au kyo.
C’est l’utilisation du Ho qui va rétablir les fonctions de l’organisme et qui va le ramener progressivement ou rapidement à un tonus général normal.
Dans le cas où l’activité de l’organisme est trop excité, en hypertonie, quand il y a beaucoup trop de jitsu, le Sha est ce qui va être capable de drainer l’excédent d’énergie vers un autre endroit du corps (ou éventuellement du même méridien) afin de réduire ou d’enlever les tensions et les jitsu.
En commençant par traiter le méridien le plus faible (kyo), un praticien expérimenté va utiliser un ou plusieurs méridiens jitsu pour transférer le trop plein d’énergie à la zone ou au méridien qui en a besoin. Ce transfert est souvent appelé « dispersion », mais disperser, pour avoir des vertus curatives, implique que l’énergie « nourrisse » une zone kyo.
Le mode de traitement des méridiens doit se faire de façon personnalisée et non pas en utilisant seulement (ou de façon systématique) des protocoles par appui ou avec des étirements.
Si un point d’acupuncture est « neutre » (c’est-à-dire équilibré) on aura peu de résultat en agissant dessus. Etablir un bilan en Shiatsu a pour objectif de déterminer la façon de procéder à un traitement spécifique afin de régulariser un ou plusieurs déséquilibres dans l’organisme.
Quand un praticien expérimenté trouve un déséquilibre, il ne doit pas se focaliser sur la notion de maladie ou sur son aspect pathologique. Il doit plus chercher à ressentir l’action de son traitement sur le receveur. C’est l’attitude que devrait en tout cas rechercher un praticien pendant la phase initiale du bilan énergétique : c’est ce qui lui permet d’entrer en relation avec l’état vital du receveur (« état d’équilibre » de la personne).
Le Shiatsu ayant avant tout une action fonctionnelle, pour toute maladie à développement rapide,
le praticien demandera au receveur d’aller consulter un médecin (entre autre si le méridien du Rein est kyo).
Il existe deux types de bilan (8) :
- Le bilan de départ,
- les bilans pendant le Shiatsu Yin.
Nous
allons expliciter l’approche que nous avons développée, testée et validée
expérimentalement.
«
Dans les pathologies des viscères Yin, on note des réactions anormales au
niveau des 12 points Yuan. Si on connaît bien la correspondance entre les
points Yuan et les viscères qui leur sont associés, on peut diagnostiquer une
pathologie de viscère Yin ». Chapitre
1 de l'Axe spirituel
En ajoutant systématiquement les points Yuan du Poumon, du Constricteur du Cœur, du Cœur, des trois foyers, du Foie, des Reins et de Rate/Pancréas au bilan énergétique du Hara de Masunaga (tout en ayant une idée d’où est l’énergie dans les 3 foyers à l’aide de la prise de pouls (uniquement au niveau médian)) permet d’avoir un bilan fiable pour commencer une séance (et mettre en place une stratégie de travail). Cela implique, bien sûr, d’avoir un bon ressenti de l’énergie sous les pouces. On peut bien sûr y rajouter les points Shu du dos pour comprendre et travailler ce qui est chronique ou plus ancien dans le corps. J’y ajoute systématiquement les points Mu du Foie et de VB.
Le
bilan de départ permet de créer une stratégie pour commencer le Shiatsu. En
quel que sorte, il permet de connaître l’état « d’équilibre »
de la personne à l’aide des points Yuan. Il permet d’identifier l’un par
rapport à l’autre (de façon différentielle) l’énergie dans les méridiens,
du plus kyo au plus jitsu avec une « granularité » que l’on
pourrait représenter très facilement (dans une fiche d’évaluation) par :
Po |
-
- |
CC |
++++++ |
Cœur |
++++ |
Reins |
+++ |
Rte |
Kyo |
Foie |
Jitsu |
Ayant
beaucoup travaillé sur des personnes ayant des problèmes psychiques ou ayant trop d’énergie à
la tête, j’ai ajouté le bilan des pouls chinois dans sa forme la plus « primaire » à
savoir : connaître globalement
l’énergie dans les 3 foyers. Cela me permet de ne pas aller, éventuellement,
à la tête ou de beaucoup travailler le bas pour pouvoir ensuite pouvoir donner
un shiatsu à la tête en minimisant les risques de réaction trop forte.
2) les bilans pendant le Shiatsu Yin (8)
Nous
avons vu que pour donner un Shiatsu efficace, il fallait être capable
d’utiliser les techniques du Ho et du Sha. Chaque personne est différente
(stress, rythme de vie, accident, etc.) et cela se traduit par une répartition
non uniforme dans les méridiens.
Par
exemple, le méridien Vessie peut être jitsu mais avoir une branche dont un morceau
est très faible. Cela veut dire qu’en gardant les éléments du bilan de départ,
le praticien doit adapter son travail en fonction de ce qu’il ressent dans le méridien.
Par
exemple, au niveau du dos le méridien aura une section avec peu d’énergie mais
qui se débloquera facilement. A un autre moment, on pourra refaire
circuler, par exemple, le méridien de la fonction Poumon (bras droit) en utilisant
Rate (grand méridien), ou en utilisant le méridien Poumon du bras
gauche.
Pour
un méridien très faible, on pourra également utiliser la « mère »
de la théorie des 5 mouvements (mais encore ici, cela dépendra du bilan de départ
et du travail en cours : il n’y a pas d’application systématique
d’une règle.
Pendant le Shiatsu Yin, on peut également vérifier le traitement réalisé avec le pouls chinois (qui réagissant très vite est un reflet dynamique).
Cette
approche nécessite d'avoir dévelopé un bon toucher.
En guise de conclusion
Après avoir présenté un historique du Shiatsu et définit le véritable Shiatsu,l’auteur nous a présenté le toucher qu’il utilise et qui lui permet de faire un bilan personnalisé tout en agissant sur les méridiens . De la même façon qu’il existe une micro-kiné, le Shiatsu Yin est son équivalent en Shiatsu. Il est l’art de faire circuler, d’harmoniser, de rééquilibrer ou de débloquer l’énergie dans une personne.
En donnant un Shiatsu dans la douceur (de type yin), tout en étant dans son hara, et en y associant un toucher spécifique (cf. ci-dessus), le praticien agit à la fois sur le tissu conjonctif et sur la circulation de l’énergie dans le méridien concerné.
Référence
[1]
Masunaga
(Shizuto), Zen Shiatsu, comment équilibrer le Yin et le Yang, 1985, Guy
Trédaniel éditeur.
[2]
Kagotani
(Tsuguo), Shiatsu esthétique,1988, Maloine.
[3]
Namikoshi
(Toru), Le livre complet de la thérapie Shiatsu, 1991, Guy Trédaniel éditeur
[4] Iwaoka (Hiroshi), Myo-énergétique, agir sur les tensions musculaires pour préserver et rétablir l’équilibre corporel, 2007, Guy Trédaniel éditeur.
[5]
Masunaga
(Shizuto), Connaissance
des méridiens. Février-Mai 1967, Idô No Nippon (maison d'édition spécialisée
dans les ouvrages de médecine
orientale).
[6
] Endo
(Ryokyu), Tao Shiatsu, 1995, Guy Trédaniel éditeur.
[7]
Masunaga
(Shizuto), Shiatsu et médecine orientale, 1999, Guy Trédaniel éditeur.
Note
[1] Curatif, doit être entendu comme un ensemble d’outils permettant de retrouver la santé et de la préserver de façon préventive.
[2] Anpuku : technique manuelle où l’on procède simultanément au bilan énergétique et au traitement. De : « An », litt. : « maintenir la main tranquillement » et de « Puku », ventre, litt. : « chair recouvrant et enveloppant les organes internes ».
[3] De façon très synthétique, le kyo (vide) évoque une idée de faiblesse, un manque qui peut aussi bien affecter les méridiens yin que yang. Un état kyo dans une zone du ventre indique une faible capacité du corps à réagir.
De façon générale, s’il y a trop de kyo, il n’y a pas ou plus assez de capacité d’adaptation du corps et s’il y a trop de jitsu, il y a alors beaucoup trop de réactions. Quand il y a beaucoup de kyo dans les méridiens ou dans une zone du corps, les techniques manuelles de tonification vont permettre de compenser les carences vitales propres au kyo. C’est l’utilisation de la tonification sur les zones Kyo d’un méridien (une des particularités du Shiatsu Yin) qui va rétablir les fonctions de l’organisme et qui va le ramener progressivement ou rapidement à un tonus général normal.
[4] Le jitsu (plein, plénitude) est un excès et concerne aussi bien le yin que le yang.
[5] « Seïtaï » (ou « Sotaï ») : de « Seï » : arranger, mettre en ordre et « Taï » : corps. Le Dr. Hashimoto, élève de M. Takahashi, a fait connaître le Seïtaï en le présentant sous la dénomination de « thérapie par les chaînes musculaires ».
[6] « Jûdô Kappô » : méthode de correction des déséquilibres du squelette par des techniques traditionnelles du Jûdô ; « Kappô : « Ka » : rendre vie, revigorer et « Pô » : techniques.
[7] « An » : littéralement « appuyer tranquillement » ou, d’après Masunaga, « observer avec calme ».
[8]
Cette notion de bilan ne
concerne que « l’état » d’équilibre des méridiens en début de
séance ou pendant la séance ; il ne concerne en aucune façon le
diagnostic médical qui est réservé aux médecins.
Ó 2005 Alain Gesbert
Photo : Solange Gesbert